Chroniques : Le 6 février 2019
Bonjour. Le froid s'est bien installé sur l'archipel, et dans l'air glacial j'ai flairé avec délice mes premières fleurs de prunier sur le chemin de mon travail. Leur délicieux parfum évoque toujours pour moi, en ces journées déjà bien rallongées depuis décembre, le renouveau, l'année qui éclot, la promesse du printemps... Un événement, un petit rite personnel qui ponctue mes années dans le pays.
Comme toujours, le deuxième lundi de janvier était le jour de la fête nationale de la majorité où les filles fêtant leur vingtième anniversaire dans l'année scolaire en cours, s'habillent de magnifiques kimonos à manches tombantes (forme que portent les filles célibataires) pour se promener dans les temples, sanctuaires, puis aller recevoir les voeux officiels du maire de la ville. Cette année ma fille en faisait partie sous un soleil radieux. Quelle émotion! Les Japonais ont l'habitude de bien marquer ainsi les étapes, les évènements importants de la vie, de manière à les vivre plus intensément, les rendre plus mémorables. J'apprécie.
J'ai aussi fait mon premier voyage de l'année à Tokyo pour affaires, en avion cette fois, car je tenais en réserve quelques points Mileages de la compagnie Japan Air Lines (JAL), et ce fut mon plus beau vol vers la capitale Japonaise depuis le Kansai. L'air était clair, limpide ; sous nos ailes, Osaka où brillaient les bras de ses fleuves inertes, s'étendait en mer de béton bordant la plaque argentée de l'océan, puis, la côte, bleue, les îlots, et toute la péninsule d'Izu derrière laquelle s'élevait, comme toujours en maître, imposant, majestueux, le mont Fuji son cône strié de neige blanche. Mais j'étais quasiment la seule à contempler tout cela. Mon voisin, par exemple, absorbé par sa tablette, ne l'a pas quittée du regard durant tout le vol. Le monde du virtuel a pris un pas insidieux sur la réalité. Sur les quais des gares, pareil, des dizaines de solitudes debout, tête inclinée en avant, brandissant devant leur visage leur sacro-saint Sumaho (abréviation de Smartphone) duquel leurs yeux fixes ne décollent jamais, souvent même pas en entrant dans le train où, une fois à l'intérieur, ils continuent... Non, je n'ai toujours pas de smartphone, oui, moi qui vis dans un pays où ils sont au top en la matière, comme il arrive qu'on me dise. Je n'en éprouve pas le besoin, alors pourquoi payer?
Je m'amuse à regarder discrètement les gens, leur style, et j'envie les cheveux épais et soyeux des Japonaises qu'elles peuvent coiffer à loisir. Moi qui ai la chance d'avoir de beaux "cheveux de chat" comme ils disent! J'écoute dans un sourire intérieur leurs conversations, qui consistent vraiment à décrire des choses, des situations où seront recherchés les acquiescements mutuels avec des "desu yo nee" (n'est-ce-pas que nous sommes d'accord?) "néé, nééé". Il en va de même dans les musées. On ne dira pas "Moi, j'aime bien ce tableau, je trouve que...", mais "celui-ci est beau yo nééé""oui, et les couleurs évoquent, ceci cela yo néé""et le peintre a voulu exprimer ceci, celà yo nééé""so desu yo nééé""Et on a l'impression que... yo nééé". Le genre de conversation typiquement japonaise où l'on prend plaisir à s'accorder sur tout, et où aucun "je" égoïste, ni aucun "tu" intrusif ne sera prononcé.
Ah, et le fléau "Innstabaé", ces objets photogéniques pour Instagram où les gens achètent parfois des friandises tape à l'oeil dans le seul but de les photographier pour obtenir des "like" et se faire suivre, pour ensuite en jeter la moitié voire l'intégralité à la poubelle! Le "innstabaé", terme actuellement dans le vent, semble maintenant primer sur le goût et la qualité des produits! Devant un mets, on dira plus volontiers "Oh, Innstabaé" que "Ooh, ça a l'air bon". Je suppose que le phénomène s'est tristement répandu partout dans le monde... Sinon, Instagram, c'est pas mal, et au passage, je publie aussi! Si vous voulez me suivre, je suis "mamejapon".
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De Tokyo, une fois de plus, j'ai ramené des gâteaux Tokyo Banana et des Gomatamago. Ceux-ci font partie des principales gourmandises à ramener en cadeau de la capitale et je les a-dore. Les Tokyo Bananas sont de petites génoises en forme de banane d'un moelleux et d'un légèreté à vous mettre aux anges, fourrées d'une délicieuse crème pâtissière à la banane, pour le basique, après ça peut se décliner en goût caramel, sirop d'érable, chocolat... L'idée d'une spécialité locale sur le thème de la banane m'avait intriguée pour Tokyo qui n'est pourtant pas une "république bananière". Non, ce fruit nous vient des Philippines. Alors pourquoi? Parce que c'est un fruit nostalgique, un goûter classique populaire des Tokyoïtes dans les années 60, un dessert que l'on emportait très souvent avec son Bento. D'accord, ... mais quand même... enfin c'est très bon! Les Gomatamago, eux, très originaux, ressemblent à s'y méprendre à des oeufs! Il s'agit d'une très fine génoise enrobée de chocolat blanc et généreusement fourrée de pâte de sésame Shittoli (moelleuse et légèrement humide). A conseiller si vous passez dans la capitale!
Si sur mes photos, ils ne payent pas trop de mine, ils sont beaucoup plus appétissants sur les liens:
Voilà pour cette fois,
je termine par les politesses japonaises de saison "Kazé o hikanai yoo ni ki o tsukété né" (faites attention à ne pas attraper la grippe) et vous dis à bientôt!
Kansaijin
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Ce fut pour Anna Fujimoto comme une intuition, une évidence, elle voulait faire sa vie au Japon. Voici donc une année de son existence au cœur du pays du soleil levant, une drôle de "planète" ...
https://www.edilivre.com/une-annee-de-ma-vie-au-japon-mon-exil-anna-fujimoto.html/
☆Pour encore plus de quotidien japonais, mon livre !