Chroniques : Le 18 avril 2019, Amabié

Publié le par Kansaijin

Bonjour les "confinets", les "confinettes" et les autres. J'espère que vous allez bien. La belle floraison des sakuras vient de se terminer. Ah, déjà! Cette année aussi, elle a donné à nos montagnes grises encore, ces nuées légères à peines rosées, cette féérique fraicheur dentelée à nos parcs, mais, cette fois, dans un calme que nous n'avons jamais connu. Au nom du coronavirus, pas de touristes, interdiction de pique niquer en groupe, espaces balisés... Alors, au lieu de la cacophonie des cris, rires joyeux, bruyants, alcoolisés parfois, de quelques notes de guitare..., juste le bruit léger de l'eau, le pépiement des moineaux qui jouaient, s'interpellant, sautillant dans les fleurs, secouant leur petite tête en faisant voltiger tout autour les doux pétales.

Ici, l'état d'urgence qui se limitait à quelques régions vient d'être ouvert sur l'ensemble du territoire japonais, mais heureusement, nous avons encore le privilège de sortir lorsque bon nous semble. Il nous incombe seulement la responsabilité civile, éthique, d'éviter les rassemblements de personnes, et la plupart semblent, tous les jours davantage, se prêter au jeu, du moins dans mon quartier... Depuis quelques jours, dans les magasins, des plastiques transparents épais nous séparent des caissiers masqués, et des bandes adhésives rouges collées par terre éloignent les gens dans les files d'attente. L'atmosphère sereine est teintée d'une certaine gravité, comme le serait une période de deuil, de recueillement, de carême... Jusqu'à présent, à ma connaissance, les catastrophes, tremblements de terre, dérèglements climatiques, guerres... ont toujours touché des zones particulières sur Terre... Il n'y a que, et c'est la première fois dans l'histoire je crois, ce séisme sanitaire qui nous concerne tous directement autant que nous sommes et qui, de fait, moi qui ai toujours l'impression de me trouver à part, voire sur une autre planète ici au fin fond de l'extrême orient, me fait soudain me sentir à nouveau appartenir au même monde, au même bateau. Les masques, jusque là l'apanage des Asiatiques, et surtout des Japonais, me font tout drôle sur les visages occidentaux. Au moment où je vous écris, j'ai deux plaies rouges et brûlantes au poignet et au coude gauche, parce que je viens de m'étaler de tout mon long sur le bitume avec mon sac de courses après avoir trébuché sur un large morceau de tuyau dépassant du sol, mon chant visuel bouché sur le bas par mon gros masque blanc. J'ai décidé que dorénavant je ne le porterais plus que dans le train et à l'intérieur du supermarché. Faites attention!

Mon mari et moi sommes allés au sanctuaire de notre quartier. Des feuilles étaient empilées près de la caisse à offrandes, illustrées du dessin d'un étrange personnage nommé Amabié. "Dôozo, prenez-en une, nous vous l'offrons afin de vous protéger de cette pandémie" était-il écrit. En effet, il existe une légende racontant qu'à l'époque Edo (1603-1868), cette femme poisson au bec d'oiseau serait apparue, sortie de la mer prophétisant une bonne récolte, et aurait dit également : à chaque fois qu'apparaitra, au cours de l'histoire, une épidémie, montrez un dessin de moi, vous serez protégés et les malades seront guéris. Et c'est pourquoi, actuellement, son image circule aussi assidûment sur les réseaux sociaux. Moi je partage ici.

Chroniques : Le 18 avril 2019, Amabié

Prenez soin de vous.

Kansaijin

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G
Cela fait, maintenant, 33 jours que nous sommes confinés en France. Depuis que les voitures ne roulent plus tout azimut, on entend beaucoup plus les bruits de la nature. C'est le gros positif de cette période si particulière. Moins de pollution, moins de bruits absorbés par la Terre...<br /> A présent, je vois pas mal de masques surtout sur les personnes les plus fragiles. Nous verrons ce qu'il en sera quand nous reprendrons petit à petit une vie normale.<br /> Elle est curieuse cette Amabié, on dirait un kappa croisé avec une harpie. En tout cas, je ne connaissais pas. Merci pour cette petite leçon de culture japonaise.<br /> <br /> Prends bien soin de toi et des tiens. Bises.
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K
Oui, ça semble vraiment galère en France. Quand je téléphone à ma famille, mes amis là bas, je les sens désespérés. Et quand je pense aussi aux personnes seules, à la violence domestique qui explose... Merci encore pour ton commentaire. Bon courage encore ! Bises