Chroniques : 30 ans de Japon !!!
Ma toute première photo du Japon, avant d'atterrir à Tokyo-Narita. En avant-plan, la côte japonaise bordant le Pacifique! Derrière, au dessus des épais nuages de mousson, dépasse le cône estival sans neige du mont Fuji.
C'est incroyable, c'est énOrme! Oui, cela fait déjà 30 ans que je foulai, pour la première fois, le sol japonais, le 4 juillet 1991, sur l'aéroport de Tokyo Narita. Ce fut pour moi, la réalisation d'un rêve, une consécration!
Et pourtant je ne suis pas devenue "japonaise", ne me suis pas vidée de ma substance pour la remplacer par une autre comme on décolore et recolore le cheveu. Et, même, paradoxalement, plus les années s'égrènent, plus je me sens française, profondément, et même plus, de culture, de tempérament, de personnalité, d'inspiration, d'identité. Moi, avec mes idéaux, à l'époque de "citoyenneté du monde"avant tout!
Et c'est justement le Japon, ce pays dont j'avais voulu me teinter qui, peu à peu me révéla, et me révèle toujours, ma "francitude", et maintenant même, mon "alsaciennité"!
Sugoï, me dit on, une exclamation proche de "super", "waoh", qui peut exprimer aussi bien un compliment qu'un "ma pauvre, comment tu as fait?". Seulement, il ne s'agit là pas d'une performance. Je me suis installée ici comme on s'installerait ailleurs, et les années ont passé, naturellement. C'est la fuite du temps qui est "Sugoï", vertigineuse. Par conséquent, je ne me félicite pas non plus.
Le Japon pour moi aujourd'hui... Non, je ne fais plus partie du groupe, toujours plus important des passionnés, que je comprends, de ce pays captivant, si différent. Non, je ne suis plus "amoureuse" du Japon. Il m'avait fascinée, attirée, j'aurais "déplacé des montagnes" pour aller le retrouver. Puis il m'a ouvert les bras, ses îles, ses paysages, sa culture, ses gens, des coeurs, m'a enveloppée de son atmosphère si exotique, moi qui avais besoin d'oublier...Il m'a apporté découverte, joie, bonheur, mais aussi beaucoup malmenée, perdue, souvent malgré lui.
Aujourd'hui, il est... je dirais tel un vieux copain que je n'idéalise plus et connais beaucoup mieux, avec qui je continue à tracer ma route, avec affirmation et concessions pour un meilleur équilibre possible. Le Japon n'est plus "mon chemin", mais plutôt "sur mon chemin".
Le pays n'a, fondamentalement, pas beaucoup changé, il s'est juste modernisé, comme tout le reste du monde. Toujours fidèle à l'adage "entre tradition et modernité", avec ces paysages, cette culture rythmés par les couleurs des quatre saisons, cette nature pure, les brouhahas des gares avec la foule aux cheveux noirs, où retentissent les pas de milliers de solitudes, les hauts parleurs annonçant, les arrivées et les départs des trains, ces hommes en costume sombre et cravates, écoliers en uniforme, cette propreté rutilante des trains, camions, voitures, le fabuleux Shinkansen, les motifs kawaii, vieux temples, sourires aux dents blanches, service parfait, rigide et impersonnel, ses barrières, son côté à la fois accueillant et inaccessible...
Juste, peut être le Big Bang du tourisme, chinois en particulier, puis beaucoup plus de Français, et ce n'est, aujourd'hui, pas pour me déplaire!
Depuis petite, j'avais toujours aimé apprendre et parler différentes langues, à commencer par l'allemand, pays d'origine de ma mère. Vint ensuite l'anglais, l'espagnol, puis l'étude enthousiaste et passionnée de l'exotique japonais, dont je pensais, en venant ici, faire mon parler de base. Cela ne fut pas du tout prévu au programme, mais, au bout de quelques années, j'avais, en toute honnêteté fini par m'épuiser jusqu'à la dépression, jusqu'à ne plus supporter aucune autre langue que la mienne, le français.
J'ai réalisé que, tout à fait subjectivement certainement, car je connais beaucoup d'étrangers que ça ne dérange pas le moins du monde de vivre en japonais, parfois en anglais, et, peut-être suis-je plus bête que les autres aussi, cependant j'ai décidé de l'accepter, de l'assumer... J'ai l'impression qu' une langue n'est pas juste quelque chose que l'on applique sur un disque dur, mais une entité beaucoup plus profonde, essentielle de nous-mêmes, notre disque dur même, elle en a la saveur, la justesse, la spontanéité. Je répète que c'est MA vision de la chose. Peut-être que le verbal tient une place particulièrement importante dans ma vie...
Le japonais, je ne suis jamais parvenue à vraiment "habiter" cette langue, la vivre! Surtout que sa structure très originale, ses mots, expressions, champs sémantiques, n'épousent pas du tout les idiomes européens, et même les autres! Aussi aujourd'hui, et depuis quelques années, j'ai décidé, parce que je sens que c'est bon pour pour ma santé, de m'exprimer, de lire et d'écouter, le plus possible, et ce n'est pas facile vous imaginez, du FRANCAIS.
En ce jour du 4 juillet 2021, mon mari me fit la très belle surprise d'un repas à trois, avec notre fille, dans la charmante petite pièce privée à tatamis avec vue sur un jardin japonais d'un restaurant traditionnel qu'abrite une très ancienne maison.
La table était merveilleusement mise avec cette vaisselle et ces mets colorés sur le thème de la saison... cette tranche de carotte ciselée en forme d'hirondelle comme celles qui viennent de prendre leur envol depuis le nid de notre garage, ces évocations de fraîcheur, d'eau, ce bouquet de feuilles d'érable vert profond. Sur la table, un cadre contenait un papier calligraphié de félicitations pour ces 30 ans de Japon, et nous vous souhaitons encore beaucoup de bonheur pour les années à venir. Emue aux larmes, j'avais fait l'effort de les ravaler.
Un très beau moment japonais qui vint couronner ces 30 années!!!
Je sentais s'élever en moi une vague de reconnaissance, juste de la reconnaissance, pour ce que ce pays m'a apporté. Je ne pensai qu'aux moments heureux. Oui, il m'avait ouvert les bras, consolée... J'étais venue seule une valise à la main ; et ce jour-là j'étais en compagnie de mon mari et de notre fille de mon âge lorsque je suis arrivée.
Avant de sortir, j'ai écrit un voeu sur un rectangle de papier coloré que j'ai accroché à l'arbre joyeux de Tanabata dans le hall d'entrée "Encore 30 ans s'il vous plait". Oui, j'en prendrais encore bien pour 30 ans de vie, ici, entrecoupés de longs séjours en France, mon pays, celui qui a construit toute la base de ce que je suis culturellement, auprès de ma famille, en Alsace, et en vacances au bord de la Méditerranée. Si Dieu le veut, et j'espère qu'il voudra. よろしくお願いします.
Diana ディアナ
Pour les curieux qui souhaitent une petite immersion dans le quotidien au Japon, voici mon livre, disponible sur ce site en papier ou en téléchargement, ainsi que sur Amazon et la plupart des sites de ventes de livres. Non, vous n'y trouverez de discours dithyrambiques sur le pays ni d'informations pratiques ou de bons plans, juste, en toute sincérité, au fil des saisons, une idée la vie ici par le prisme de la Française que je suis, ses joies, ses peines, ses chocs et bonnes surprises culturelles, ses émerveillements aussi bien que ses frustrations, au sein de cette société vraiment particulière au point se se demander parfois si l'on vit bien sur la même planète!
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Ce fut pour Anna Fujimoto comme une intuition, une évidence, elle voulait faire sa vie au Japon. Voici donc une année de son existence au cœur du pays du soleil levant, une drôle de "planète" ...
https://www.edilivre.com/une-annee-de-ma-vie-au-japon-mon-exil-anna-fujimoto.html/